Guénael Lemouee – 30 juillet 2023
Alors que le marché hexagonal n’en finit plus de se tasser, la Provence semble étrangement passer entre les gouttes de la déconsommation de vin. Ce miracle porte un nom: rosé. Cet été, nous vous dévoilons les secrets d’une success story.
Les secrets du rosé 1/4
Leader incontesté de la couleur dans le monde, la Provence viticole s’appuie sur une mosaïque de terroirs de mieux en mieux repérés et mis en valeur. Explications.
C’est un succès tant commercial que sociétal à nul autre pareil dans l’histoire récente du vin. En quelques deux décennies, la Provence s’est imposée comme leader mondial du rosé, vin qui ne connait pas (ou presque pas, on en reparlera dans le 4ème épisode de notre série) la crise qui fait fureur tant en France que sur le très rémunérateur marché nord-américain. Le rosé a, en sus, su attirer des catégories de consommateurs qui, avant lui, boudaient le vin.
Mais qu’a-t-il bien pu se passer pour que ce territoire, à peu près inexistant sur la carte du vignoble hexagonal jusqu’au années 2000, finisse par susciter la jalousie de terroirs installés de longue date?
Il y a que la Provence a inventé un style, celui des rosés pâles (parfois trop), au profil aromatique vif, aérien et flatteur. Entrée de bouche sur des notes d’agrumes mêlées de fruits rouges, corps léger propre à rafraichir les étés caniculaires, couleur instagrammable sous la tonnelle du jardin ou le pont du yacht. Voilà quelques-unes des clefs du succès.
Profil typique et jeu de terroirs
C’est notamment une vigneronne de la presqu’île de Saint-Tropez qui en formalisa les canons dans les années 80. Régine Sumeire, dans son château Barbeyrolles, inventait alors un style en même temps que sa cuvée Pétale de rose.
“L’idée m’est venue en 1985, lors d’une visite à Haut- Brion (le légendaire cru du Pessac-léognan, à Bordeaux), se souvient Régine Sumeire. On avait le même pressoir et M. Delmas, le père de l’actuel vigneron, m’a demandé pourquoi je ne vinifiais pas mes rosées comme lui ses blancs, en grains entiers, avec une extraction douce et sans foulage.” Pas de foulage donc pas d’extraction de la couleur des peaux du raisin: le rosé pâle à la provençale était né. Il a depuis fait florès et la cuvée Pétale de rose en est toujours l’un de ses plus beaux représentants.
Mais si la Provence , plus vieille terre de vin française avec une histoire commencée avec les Grecs de Phocée, en est arrivée là, c’est aussi qu’elle peut s’appuyer sur une mosaïque de terroirs de mieux en mieux comprise et exploitée.
Provence de l’intérieur ou de la frange maritime, sols calcaires pauvres des coteaux ou terres plus riches des fonds de vallons et des plaines. Même si on reproche souvent aux rosés de Provence d’être monolithiques et uniformes, ils naissent en fait d’une palette de nuances qui se retrouvent en bouteille à chaque fois que la technique œnologique et les surextractions d’aromes d’agrumes ou de bonbons anglais ne prennent pas totalement le pas sur le sol et le raisin.
Ces excès-là se croisent encore. Mais le balancier semble revenir vers des propositions plsu raisonnables et franches ces dernières années. C’est tant mieux.
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