“Ma génération, comme celle de mes parents, y a toujours cru. Le vin rosé convient le mieux au climat de la Provence, au mode de vie de ses habitants, à la cuisine de la région. Nous n’avons jamais cessé d’y croire.” Devant la réussite de Minuty, François Matton ne peine pas à convaincre de l’investissement de sa famille dans la promotion du vin rosé. Ils étaient pourtant rare à miser sur la couleur au début du XXe siècle. Avec d’autres les Matton ont donnée au rosé de Provence ses lettres de noblesse à une époque où personne n’avait esquissé les contours de cette couleur, qui n’avait pas encore conquis la planète.
Tout s’est accéléré en vingt ans, la construction du rosé en tant que catégorie de vin s’est faite au rythme de la société, au mois jusqu’au début des années 2000. D’autres reconnaissent que ce succès était tout de même inattendu. Interrogée sur les origines du phénomène, Régine Sumeire, propriétaire du Château Barbeyrolles, admet n’y avoir pas cru immédiatement. “J’ai acheté ce domaine à la fin des années 1970. À l’époque, toute la Provence était une terre de rouges et, surtout, une terre de vrac. Personne n’aurait pu prédire le succès du vin rosé.” L’arrivée massive des touristes sur la Côte d’Azur va faire bouger les lignes. Le rouge, moins intéressant qu’aujourd’hui, était plutôt destiné à une consommation locale. Le rosé, lui, plaisait aux touristes aux touristes en mal de fraîcheur au plus fort de la saison estivale. Rapidement, le phénomène s’amplifie avec la venue de la jet-set internationale sur la French Riviera. Durant l’été, on boit du rosé à Cannes ou à Saint-Tropez. “C’est ce qui a permis au rosé de se faire connaitre”, s’amuse François Matton. “Il y a eu une inversion du rapport de force entre la consommation locale et la consommation touristique et le rosé a pris le dessus.”
En 1987, la création de la “Route du rosé” par Jean-Jacques Ott conforte l’idée que le vignoble de Provence a désormais changé de couleur. “Nous étions douze domaine à participer à cet évènement”, explique Régine Sumeire. “On a décidé de faire des caisses panachées de nos vins et de les faire voyager par bateau de Saint-Tropez jusqu’à Saint-Barth. l’évènement a rassemblé des journalistes et des importateurs, notamment des américains. Le but était de faire reconnaître le rosé à part entière.” Surtout de le faire reconnaitre comme un vin, et pas comme une boisson à part, éloignée des codes et des standards d’élégance, de complexité et de potentiel de garde admis à l’époque pour les blancs et les rouges. Un combat qui allait durer plus de trente ans. […]
La crise d’identité
Le chiffre d’affaires réalisé par la catégorie suffit à prendre conscience des enjeux autour du rosé. En particulier depuis que les nouveaux pays producteurs (Afrique du Sud, Autriche, Chili, etc.) accélèrent pour suivre la tendance. Lui donner une identité forte et déterminer sont style pur le protéger de l’imitation a été primordiale pour la Provence. Même si le ros” a mis du temps à se définir et à convaincre par sa qualité, deux paramètres semblent avoir été déterminants. La viticulture et la couleur.
Si un grand vin est avant tout le résultat de grands raisins, en ce qui concerne les vins rosés, la viticulture a longtemps été reléguée au second plan. François Matton a été l’un des premier à promouvoir un changement d’encépagement du vignobles. “L’abandon du carignan, trop productif, au profit du grenache semble avoir été la clef principale d’un nouveau style de rosé. Les cabernets, les merlots, dont la couleur passe facilement dans les jus et qui n’apportent pas la fraîcheur aromatique désirée ont été peu ç peu délaissés.”
Seule région viticole d’envergure dans le monde où le rosé est majoritaire dans la répartition de la productions, la Provence a compris assez tôt que la viticulture pratiquée devait être en adéquation avec les vins désirés. ” Cette orientation signifie que notre travail, notre recherche et notre réflexion sont dictés par la couleur. C’est aussi pour ça qu’on a un temps d’avance”, précise François Matton. Parallèlement, avec l’adoption d’une couleur pâle devenue caractéristique des rosés de Provence, la région a trouvé sa signature. Elle la doit à Régine Sumeire.
En 1982, inspirée par son ami Jean-Bernard Delmas, le directeur du château Haut-Brion, elle est la première à adopter des pressoirs plus précis et à penser le pressurage de ses raisins sur le même modèle que celui utilisé pour les raisins blancs. Résultat, un rosé à la robe couleur “pétale de rose”, d’où le nom de cette cuvée iconique, qui présentait l’élégance d’une teinte extrêmement claire et le désavantage d’être refusé aux commissions d’agréments des appellations. Il faut pourtant attendre le début des années 1990 pour que cette tendance de couleur s’affirme. Trente ans après, la couleur du rosé reste encore significative dans l’esprit du consommateur, au point d’être devenu un gage de qualité et un critère de choix. […]
Régine Sumeire, celle qui siège aujourd’hui à l’Académie du vin de France a beaucoup œuvré pour la création de la “Route du rosé”, évènement important pour la promotion des vins de Provence.
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